Prendre le temps de coucher ses pensées sur le papier pour quelqu’un d’autre, écrire son adresse, coller un timbre puis glisser la missive dans la boîte à lettres, voilà des actions devenues peu banales. Écrire des lettres, à l’heure où les moyens de communication virtuelle sont innombrables, devient une façon originale de ralentir, de prendre le temps.

Vous arrive-t-il encore d’écrire de vraies lettres ou d’en recevoir ?

Lettres d’amour ou simple correspondance, qui écrit encore des lettres sur papier de nos jours ? Pour ma part, plus vraiment : j’écris très peu de lettres. Je reçois parfois quelques factures et lettres administratives – et encore, la plupart sont dématérialisées – quelques publicités, et plus rarement des cartes postales et des faire-part. Mais de vraies lettres, je n’en reçois que très peu. La toute dernière m’a été envoyée par une tante âgée de plus de 90 ans qui n’utilise ni adresse mail, ni téléphone portable et continue à envoyer de véritables courriers. Sa démarche m’a touchée et j’ai pris plaisir à lire et relire cette page recouverte d’une belle écriture manuscrite un peu penchée. Cela m’a poussée, pour une fois, à m’asseoir à mon bureau pour rédiger, à mon tour, une lettre en réponse.

Pourquoi écrire des lettres ?

De nos jours, la véritable lettre manuscrite n’est presque plus usitée tandis qu’il y a 30 ans, des milliards de lettres étaient expédiées chaque année. Jusqu’à la fin des années 1990, écrire des lettres d’amour, d’amitié ou envoyer de simples nouvelles, était un mode de communication encore répandu. 

Aujourd’hui en moyenne, les foyers français n’envoient plus que 5 missives par an, soit 9 fois moins qu’en 2010. Plusieurs phénomènes ont participé à cette décrue, qui a commencé dans les années 1970 : le téléphone dans les entreprises, la voiture pour tous, le téléphone à domicile, le fax, Internet, le téléphone portable…

Ces innovations ont progressivement rendu obsolète l’échange épistolaire. Il est tout simplement devenu, d’un certain point de vue, une perte de temps. Nous avons pris l’habitude de l’instantanéité des communications avec les SMS, mails et autres messageries en ligne. 

Pourtant, si entretenir une correspondance peut sembler anachronique ou réservé aux personnes âgées, cette activité peut aussi nous aider à ralentir et s’avérer passionnante. 

5 bonnes raisons de vous y (re)mettre

1. Redonner de l’importance à vos relations

Que nos proches et nos connaissances vivent à quelques rues ou à l’autre bout du monde, nous pouvons leur écrire et recevoir leur réponse en temps réel. Visio, messages audio, sms, e‑mail, les possibilités sont innombrables. Dans cette immédiateté, la valeur que nous donnons à nos relations tend à s’amoindrir. Il est si facile de communiquer… Alors, portons moins d’attention lorsque nous lisons leurs messages ou lorsque nous leur écrivons. 

Faire la démarche d’écrire une lettre matérielle remet la relation humaine au centre de l’échange. Pour une personne particulière, vous prenez le temps de vous asseoir devant une feuille, votre stylo en main. Votre attention est entièrement tournée vers cette lettre, pour cette personne, en cet instant T. Ce temps d’écriture donne une valeur particulière à cette relation amicale ou familiale, que vous prenez le temps d’honorer, installé.e à votre table d’écriture.

2. Réapprendre le temps long 

Rédiger une correspondance et l’envoyer, c’est accepter d’être à contretemps d’une époque où l’attente et la patience se raréfient. C’est délibérément choisir la lenteur. L’acte d’écrire une lettre, en soi, nécessite de se poser et de ralentir le rythme. Cela demande de prendre un temps calme, loin du bruit, pour dérouler nos pensées sur le papier.

Puis il y a l’attente de la réponse, qui peut prendre plusieurs semaines à nous parvenir. Nous réapprenons la patience et l’excitation (aussi !) d’attendre le courrier d’une personne que nous aimons. Cet enthousiasme, nous ne pourrions pas le vivre avec un SMS. Accueillir ce temps long nous rappelle qu’une relation, cela se construit pas à pas ; de la même manière, un échange épistolaire s’élabore lettre après lettre, lentement.

3. Transporter bien plus que des mots

Une missive comporte un avantage singulier : nous pouvons la personnaliser et ainsi, surprendre notre destinataire par de petites attentions. Nous pouvons glisser dans l’enveloppe quelques brins de lavande, un sachet de graines à faire germer, le plan d’une ville à visiter ensemble, un galet peint, un morceau de tissu, un sachet de thé, une fleur séchée…

Au-delà des mots et des phrases que nous rédigeons dans notre lettre, nous sommes libres d’ajouter quelques créations personnelles (une esquisse, un petit dessin tout simple sur un coin du courrier, quelques tirages de photos…). La correspondance offre un espace d’expression très personnel, particulièrement touchant pour la personne qui reçoit notre lettre.

4. Prendre un temps précieux pour vous

Pour les personnes qui aiment prendre le temps, lire, flâner ou rêver, mais aussi pour celles qui vivent à 100 à l’heure et aspirent à ralentir, l’écriture d’une lettre permet de s’offrir un moment précieux, une pause pour soi. Pour apprécier ce temps suspendu, vous pouvez par exemple allumer une bougie, choisir un papier qui vous inspire ou une simple feuille blanche, un stylo que vous aimez utiliser, une boisson chaude et lancer vos musiques préférées en fond.

5. Revenir à l’essentiel 

Lorsque nous écrivons une lettre, nous ne nous attardons pas sur des banalités. Nous évitons de coucher sur le papier des paroles que nous pourrions regretter. Cet exercice nous ramène à l’essentiel : un échange épistolaire, c’est d’abord une conversation profonde entre deux êtres humains. Ainsi, cela nous pousse à choisir avec soin nos mots et à relire avec attention. Nous réfléchissons à ce que nous voulons vraiment partager avec notre destinataire.

Comment vous y remettre ? Mode d’emploi

Tout d’abord, trouver des correspondant·es 

L’idée d’écrire des lettres vous attire mais vous ne savez pas à qui les adresser. Vous pouvez commencer par les plus proches. Entamer une correspondance avec un membre de votre famille – grand-mère, grand-père, mère, père, oncle, tante, cousin, cousine… – peut être une façon surprenante et agréable de resserrer les liens. Les plus agé·es apprécieront particulièrement votre geste. Et au fil des correspondances, vous serez surpris de voir le lien qui se tisse entre vous et cette personne que vous connaissez pourtant déjà. L’échange épistolaire donne accès à des facettes méconnues de nos proches.

Vous pouvez aussi trouver dans votre réseau amical une personne qui aura, comme vous, l’envie de correspondre par lettres manuscrites. Peut-être avez-vous un·e ami·e qui vit dans un autre pays ou une autre ville ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi ne pas vous lancer un défi d’écriture de lettres avec un·e ami·e habitant votre ville ? De quoi enrichir votre amitié et vos conversations.

Si vous ne trouvez personne dans votre entourage pour mener une correspondance, plusieurs sites internet mettent en relation des correspondant.es épistolaires. Pour les francophones, il existe notamment N’oublie pas d’écrire et Epistolia. Si vous souhaitez échanger en anglais avec des personnes du monde entier, le site Global Pen Friends pourra vous aiguiller.

Que mettre dans une lettre ? 

Tout l’intérêt d’une lettre, c’est que nous sommes pleinement libres d’y écrire et d’y ajouter ce que nous souhaitons, au gré de notre inspiration. Nous pouvons bien sûr écrire mais aussi ajouter des collages, des dessins, des stickers, arracher une page d’un livre et la glisser dans l’enveloppe. Nous pouvons aussi surligner, raturer, gribouiller…

Pour l’enveloppe, la liberté est aussi de mise : tant que l’adresse et le timbre sont bien visibles, à vous de choisir si vous préférez une simple enveloppe classique ou tout autre chose. Attention toutefois au poids final de votre courrier qui influe sur le tarif (1 timbre jusqu’à 21 g, soit environ 3 feuilles A4).

Comment garder la motivation d’écrire ?

Entamer un échange de lettres peut s’avérer exaltant. Maintenir sa motivation dans la durée se révèle en revanche plus difficile. Une correspondance peut s’essouffler. Il suffit parfois de laisser traîner un peu trop longtemps une lettre reçue pour que finalement l’enthousiasme initial s’évanouisse. 

Voici quelques conseils simples pour garder votre motivation intacte :

• Optez pour un rythme souple : ne vous forcez pas à répondre dès la réception de la lettre. Laissez-vous un peu de temps. Il s’agit d’un plaisir et non d’une charge. Espacer par exemple vos réponses d’un mois chacun.e fonctionne généralement assez bien. Un mois entre deux courriers permet de dédier un vrai moment pour répondre à votre correspondant.e de manière détendue.

• Évitez de poser beaucoup de questions : une lettre, c’est l’expression de ce qui vous traverse au moment de l’écriture. Le fait de devoir répondre aux questions de l’autre personne, en décalé (un mois plus tard), peut être lourd et démotivant. 

• Écrivez des lettres d’une à deux pages : conserver tout au long de votre échange épistolaire l’habitude d’écrire des lettres plutôt courtes, lisibles facilement. La clé pour continuer de correspondre avec plaisir et régularité, c’est d’en faire un processus léger et agréable.

• L’esthétique n’est pas importante : accepter qu’il y ait quelques ratures et que votre écriture soit imparfaite vous permettra de maintenir votre correspondance dans le temps. La simplicité et la spontanéité sont deux clés essentielles. Un conseil simple : écrivez lorsque vous êtes inspiré·e, là où vous êtes, avec les moyens du bord. Et tant pis si, ce jour-là, une tâche de café s’invite sur votre papier.

• Que faire de vos lettres ? 

Palpables, elles ne se perdront pas dans l’immensité des contenus numériques. Vous pouvez les conserver dans une boîte ou un grand classeur dédié. Vous prendrez plaisir à les relire et à les toucher des années plus tard. C’est aussi ce qui en fait une expérience particulière.

Un dernier conseil : si cet article vous donne follement envie d’entamer un échange épistolaire, précipitez-vous sur une feuille, un stylo et lancez-vous…