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Face to Face : Rencontre avec la fondatrice Marianna Szeib-Simon

Alexandra Gerard
Le 19 octobre 2018

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Rendez-vous dans un appartement parisien pour rencontrer Marianna Szeib-Simon, la fondatrice de Face to Face, à l’occasion de sa première collaboration avec Chez Simone, « l’appartement qui te veut du bien ».

Le face à face entre les créateurs, éthiques et sélectionnés selon les valeurs de la jeune femme, et les clients s’avère être une réussite depuis son lancement en 2015. Ces événements réguliers, soutenus par un site éditorial et marketplace, sont uniques dans la faune commerciale française.

Comment avez-vous débuté votre projet Face to Face ? 

C’était une association à but non lucratif que j’ai créée en étant encore chez Dior. J’avais envie de tester le concept, de savoir si les créateurs avaient vraiment besoin d’un lieu d’exposition qualitatif. Au départ, Face to Face avait pour but d’événementialiser la vente, de présenter le créateur avec ses créations directement au client final. Et montrer que derrière chaque objet se cache une personnalité unique. C’était comme un salon professionnel, mais ouvert au public, lui aussi convié sur invitation. 

Les créateurs m’ont contactée après la première qui a eu lieu en décembre 2015, pour me demander quand était la prochaine… Les clients nous demandaient ensuite où ils pouvaient trouver les créateurs. On a donc créé en mars 2018 le site Face to Face. 

C’est tout d’abord un site éditorial, on y présente le portrait du créateur avec ses doutes, ses échecs et ses succès, sa démarche et son savoir-faire. Sa deuxième vocation c’est d’aider les créateurs à avoir une visibilité et de vendre. C’est un marketplace qui permet aussi d’être un fil rouge entre un événement et un autre.

Avez-vous toujours eu une appétence pour la création ?

Avant de faire mes études en économie, j’avais voulu faire de la photographie. Durant mes études, j’ai donc cherché la créativité, j’ai trouvé cette approche dans le marketing développement qui est de la conception de produits. J’ai décidé de faire un stage de six mois chez Yves Saint Laurent, afin d’avoir une expérience importante et sortir de l’ESCP en sachant ce que je voulais faire. Ça a été une expérience forte.

 

 

« C’est en voyant le gaspillage que l’on se pose des questions éthiques »

 

 

Est-ce qu’à ce moment là vous aviez déjà une conscience de l’éthique ?

C’était plus l’histoire qui m’attirait à ce moment là. Je m’attachais beaucoup à comprendre la vie d’Yves Saint Laurent, l’ADN de la marque. Et effectivement, au fur et à mesure que je travaillais dans les grands groupes, je me suis rendu compte à quel point l’élément éthique devenait important. C’est en voyant le gaspillage, le lancement des produits en quantité massive pour ensuite être retirés du marché et souvent détruits, les dysfonctionnements, que l’on se pose des questions éthiques. C’est génial de créer, mais est-ce que cela ne peut pas servir à une cause ?

Quel a été le déclic pour créer Face to Face ? 

Au bout de 2 ans chez Dior, on a commencé à se poser des questions sur la façon dont on pouvait faire venir les gens en point de vente et leur faire vivre une expérience inoubliable. Je voyais à quel point, en tant que client, on a envie de découvrir une histoire, toucher, échanger. En parallèle, j’avais également beaucoup d’amis qui lançaient leur marque. 

Si Instagram a démocratisé la possibilité de devenir créateur sans forcément être formé, le réseau social n’apportait pas ce contact direct avec le client. On peut avoir énormément de followers mais ne pas vendre. Je voyais cette dissonance, et j’ai eu envie d’injecter ma créativité et ce que j’ai appris dans ces grands groupes pour des marques indépendantes et engagées qui ont un sens pour moi.

« Il ne faut pas trop s’attacher à nos idées et ne pas avoir cet ego de nier ses erreurs »

Dans une interview accordée à Sharps, vous vous définissez comme une personne rationnelle à la sensibilité extrême. Comment cela influence-t-il votre vision du travail ?

C’est très intuitif, je marche au coup de coeur et en étant enceinte je ressens encore plus l’intuition féminine. J’ai besoin d’un cadre et d’être en binôme avec quelqu’un aussi de très rationnel, ordonné, parfois j’ai besoin d’un planning. Manon Posty Sworowski, mon associée, est dans le planning, la projection, l’anticipation, on est très complémentaires. 

La vie d’une entreprise, surtout jeune, c’est aussi de comprendre rapidement que nos idées de départ ne sont pas forcément les meilleures et il faut vite rebondir ; réagir rapidement pour s’améliorer. J’ai cette capacité à me dire « je me suis trompée, c’est pas grave, je passe à autre chose ». Il ne faut pas trop s’attacher à nos idées et ne pas avoir cet ego de nier ses erreurs et persister. 

Quels sont les problématiques auxquelles vous avez fait face lors de la création de votre entreprise ? 

Le plus difficile c’est de trouver en soi des ressources qui nous permettent de croire en nous. C’est très important de se dire « aujourd’hui, c’est une mauvaise journée. Demain, j’aurai une nouvelle idée et ça va repartir. »

Quelles sont les valeurs que vous souhaitez mettre en avant ? 

Je pars toujours de la personne, je rencontre 100 % des créateurs avant de les inviter à la collaboration. Je cherche l’authenticité, une histoire autour de leur vie. La plupart reviennent à un rêve d’enfance, à quelque chose transmis par leurs parents ou grands-parents ou à la région dont ils sont originaires. De ça, découlent les autres valeurs comme la transparence, la qualité du produit. J’ai besoin de m’assurer que ce que je vais proposer aux clients est un objet que je pourrais moi-même avoir. 

La notion de prix juste est essentielle aussi, nos produits ne sont pas les moins chers, mais la notion d’accessibilité est importante. Si un produit dépasse 100/150 euros, on a besoin de savoir pourquoi : le temps passé, des pièces uniques, des éditions limitées ?

Cela vous arrive-t-il donc de refuser des créateurs ? 

J’en refuse, et c’est très difficile, mais c’est le principe même d’une sélection. Leurs projets sont toujours personnels, ce sont souvent des secondes vies, et il faut le dire sans blesser et sans stopper la personne dans son développement. Mais je reste dans cette transparence, je leur explique pourquoi.

« C’est une philosophie de vie et une consommation à l’échelle humaine »

 

Pensez-vous que les valeurs de Face to Face soient conciliables avec une forte exposition médiatique ?

C’est le but. Mais effectivement c’est un projet qui a été fondé sur des valeurs que je ne veux pas changer. C’est dans le choix des créateurs qu’il faut que je garde cette notion de sélectivité. Je n’ai aucune tentation de changer quoi que ce soit. Je ressens que de plus en plus de gens qui sont passés au bio, au circuit court pour leur alimentation, s’intéressent aussi à comment on s’habille, comment on décore son appartement. C’est une philosophie de vie et une consommation à l’échelle humaine, on ne consomme plus de façon aveugle. 

Avec les ventes réalisées, est-ce que vous voyez des tendances particulières ?

Le plus touchant pour les clients, c’est l’alchimie : quand le créateur qu’il rencontre est vraiment en accord avec ce qu’il fait et qu’il y croit. Ça s’est passé pour Elise Tsikis, une créatrice des bijoux, qui est avec nous depuis le début. C‘est une personnes déterminée, talentueuse. Le client le ressent, et ça donne un succès à la fin de la vente. Dans cette expérience face à face c’est très important de garder en tête que notre personnalité va véhiculer notre marque. C’est ce qui attire le client.

« On veut décharger le créateur de ce qui n’est pas son cœur de métier »

https://www.instagram.com/p/BotAq3QBoT1/

Comment voyez-vous la suite de Face to Face ? 

Continuer à apporter de nouveaux services aux créateurs comme le shooting éditorial collectif, avec des prestations RP, un feed Instagram et autres réseaux sociaux. On veut décharger le créateur de ce qui n’est pas son coeur de métier mais qui est très important aujourd’hui.

Le prochain projet est un pop-up Chez Simone d’une semaine par mois à partir d’octobre (du 13 au 20 octobre) et la 2e semaine de novembre. En décembre justement, nous avons notre 6e édition Face to Face dans une boutique pignon sur rue. Et pour la première fois elle se déroule sur 5 jours du 5 au 10 décembre.

www.facetofaceparis.com

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