Aujourd’hui, la majorité des médicaments sont testés sur les animaux ou contiennent des produits d’origine animale. Pour les personnes vegan, il n’est pas toujours facile de composer entre santé et convictions.
“Avant d’être vegan, je ne me posais pas la question de ce que j’ingurgitais. Aujourd’hui, ça m’intéresse. Mais le problème avec les médicaments, c’est que les composants sont assez peu lisibles”, regrette Pierre. Vegan depuis près de 3 ans, il admet passer au crible les étiquettes sans toujours être certain que le médicament ne contient pas de produits d’origine animale. “C’est un vrai problème”, reconnaît Kévin Bondiguel. Ce pharmacien de formation a fondé Veggiepharm, qui propose médicaments et compléments alimentaires vegan. “Même sans être néophyte, il n’est pas possible de connaître tout ce qui se cache derrière les dénominations. C’est aussi parce que la façon dont sont présentés les composés est régie au niveau européen et ne permet pas de préciser leurs origines.” C’est en partie pour cela que les équipes de Veggiepharm ont choisi un nom évocateur pour leur entreprise. “Ça ne laisse pas vraiment la place au doute.”
C’est aussi pour cette raison qu’elles ont cherché à obtenir le V‑Label et la certification Eve Vegan : pour plus de transparence, de clarté et de lisibilité.
La difficulté de trouver des alternatives
Une fois l’étape du décryptage passée, se pose la question des alternatives. Que faire si l’on se voit prescrire un médicament qui contient des produits d’origine animale ? Pour Clémence, demander une alternative n’a rien d’évident. “Si le médicament est en libre-service et qu’il n’y a pas trop de monde, je vais prendre le temps de regarder les autres médicaments. En revanche je n’ose pas forcément demander au pharmacien. Mais c’est aussi lié à ma timidité”, explique celle qui est vegan depuis 2015. Pour Kévin Bondiguel, c’est aussi culturel. “Au Royaume-Uni ou en Allemagne, par exemple, le rapport au véganisme ou à la différence de l’autre de manière générale est beaucoup plus ouvert. En France, on ose moins revendiquer sa particularité.”
De son côté, Pierre n’hésite pas à se rendre dans plusieurs pharmacies s’il le faut pour trouver des alternatives. “J’ai dû prendre de la vitamine D. De nombreux médicaments sont à base de poisson. Dans la mesure où ce n’était pas une situation urgente, j’ai préféré prendre mon temps et trouver une alternative vegan.”
Même son de cloche chez Matthieu. Celui qui est entré dans le véganisme par la porte de l’alimentation a l’habitude de scruter ce qu’il consomme de manière générale, et à se documenter s’il se retrouve face à une porte fermée. “Mais toutes ces démarches prennent du temps. On a tendance à surestimer les efforts que sont prêts à faire les gens quand il s’agit de leur consommation. Se documenter en amont pour comprendre si le médicament comprend des produits d’origine animale, chercher des alternatives disponibles, puis visiter plusieurs pharmacies pour les trouver constitue un vrai frein pour certaines personnes. Tout le modèle économique de la consommation actuelle est basé sur la fainéantise”, observe-t-il.
Un frein que reconnaît volontiers Kévin Bondiguel. “Chercher des alternatives n’est pas un réflexe. Pourtant, nous sommes persuadés que se soigner ne devrait pas entrer en contradiction avec ses convictions, estime-t-il. Il faut faciliter la vie des patients et permettre une meilleure lisibilité. C’est pour cela que nous souhaitons une marque facilement identifiable et que nous souhaitons étendre notre gamme et notre visibilité en pharmacie..”
Prise de conscience globale
Autant de difficultés qui poussent parfois les vegan à bouder les médicaments. Astrid est végétarienne depuis 2007, et vegan depuis 2015. “Ma réflexion est globale : les médicaments à outrance et l’automédication peuvent être toxiques, c’est pourquoi je n’en consomme pas. Le fait que la majorité des produits de santé ne soient pas vegan renforce ma position à ce sujet.” Là encore, Kévin Bondiguel acquiesce. “C’est normal de se poser des questions plus larges sur la pharmacie. Depuis quelques années, les patients sont plus conscients : on prend un médicament lorsqu’on en a besoin, et non en prévention. Bien sûr, il ne faut pas s’en priver lorsque l’on souffre ou que l’on est malade. À mon sens, le véganisme est un mode de vie qui entraîne, au-delà de la souffrance animale, de nouvelles réflexions en matière de consommation : consommer moins, consommer mieux, respecter la planète dans sa globalité… Ce sont des valeurs positives et fédératrices et il faut essayer d‘encourager les patients dans leur démarche.”
Au-delà des freins, il existe donc des solutions. Mais il reste encore un gros travail à faire : en termes de visibilité et de sensibilisation, auprès de toutes les personnes concernées. Que l’on soit professionnel·le de santé, vegan ou soucieux·se de la cause animale.