Avez-vous déjà eu la sensation d’être absorbé·e dans une activité, à tel point que vous avez perdu toute notion du temps ? Avez-vous déjà ressenti le sentiment intense de faire corps avec votre tâche et tout ce qui vous entoure ? Cet état se nomme le « flow », autrement dit l’expérience optimale. Qu’elle surgisse dans la pratique artistique, sportive, lors d’un moment en famille ou au travail, l’expérience du flow accroît notre niveau de bonheur selon Mihaly Csikszentmihalyi, grande figure de la psychologie positive, qui l’a théorisé.
Comment pouvons-nous le vivre plus souvent ? Découvrez dans cet article 4 étapes pratiques pour favoriser le flow.
Ce qu’est l’état de flow ou expérience optimale
Le flow : ce mot désigne le fait d’être tellement absorbé·e par une seule et même tâche que tout disparaît autour de vous. Vous n’avez plus conscience de vous-même, le temps s’écoule différemment, votre concentration est totale. Les soucis et les préoccupations du quotidien s’effacent – pour un temps — car seule compte la chose que vous êtes en train de réaliser.
Le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi a fait de cette expérience optimale le sujet phare de ses recherches. Il décortique l’état de flow dans son ouvrage intitulé Vivre. La psychologie du bonheur (Editions Robert Laffont, 1990), dont le titre anglais est Flow : the psychology of optimal experience. Pour lui, le flow, c’est « l’état dans lequel se trouvent ceux qui sont fortement engagés dans une activité pour elle-même ; ce qu’ils éprouvent alors est si agréable et si intense qu’ils veulent le revivre à tout prix et pour le simple plaisir que produit l’activité elle-même et rien d’autre. »
Voici comment il évoque cette expérience très particulière et vivifiante qu’est le flow :
« Il nous est arrivé à tous, à certains moments de nous sentir non pas assaillis par des forces anonymes, mais dans le plein contrôle de nos actions, dans la parfaite maîtrise de notre vie. Dans ces rares occasions, nous éprouvons un enchantement profond longtemps vénéré qui devient une référence, un modèle indiquant ce que notre vie devrait être.
Voilà ce que nous entendons par expérience optimale (flow) : c’est ce que ressent le navigateur quand le vent fouette son visage et que le bateau fend la mer – les voiles, la coque, le vent et la mer créent une harmonie qui vibre dans ses veines ; c’est ce qu’éprouve l’artiste peintre quand les couleurs s’organisent sur le canevas et qu’une nouvelle œuvre prend forme sous la main de son créateur ébahi ; c’est le sentiment d’un père ou d’une mère face au premier sourire de son enfant. »
Vous pouvez l’expérimenter (en 4 étapes)
C’est à la portée de chacun·e. Il est tout à fait possible de créer des situations propices à la survenue de cette expérience optimale. D’une certaine manière, selon le pianiste et compositeur Yaron Herman (qui a souvent expérimenté le flow, en concert ou lors d’enregistrements de ses improvisations de jazz), il suffit de « préparer la maison pour l’accueillir ». Autrement dit d’avoir une démarche et un état d’esprit ouverts à cela.
Étape 1 : Avoir une idée claire de ce que vous voulez accomplir
Pour étudier « l’expérience optimale », le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi a interviewé une série de personnes qui investissaient beaucoup de temps et d’énergie dans des activités très exigeantes et qui le faisaient même souvent sans récompenses externes (comme le prestige ou l’argent). Ces personnes pratiquaient des activités telles que l’alpinisme, la plongée, la danse, la composition musicale, l’athlétisme ou encore jouaient aux échecs.
Toutes ces personnes, qui lui ont raconté des expériences de flow, avaient un but clair. Comme par exemple, réaliser de beaux coups au tennis, gagner aux échecs, grimper jusqu’au sommet d’une montagne, réaliser une nouvelle composition musicale…
À vous d’identifier ce que vous voulez accomplir, avec clarté.
Avoir un but précis constitue donc le premier élément essentiel : à vous d’identifier ce que vous voulez accomplir, avec clarté. Il faut aussi qu’il y ait quelque chose de profondément satisfaisant pour vous dans l’accomplissement même de ce but. Par exemple, le plaisir pour l’alpiniste de se voir progresser sur la roche à chaque seconde ; la joie de ressentir de l’aisance à pratiquer une mélodie sur votre instrument de musique ; le bonheur intense d’effectuer les pas d’une chorégraphie en faisant corps avec le rythme ; la fluidité ressentie en cuisinant une sublime tarte provençale à la tomate ; la concentration heureuse éprouvée en taillant le lilas du jardin… À vous de choisir l’activité dans laquelle vous aurez le plus de satisfaction à vous engager.
Étape 2 : Placer la barre à la bonne hauteur
Choisissez une activité qui représente un certain défi pour vous mais pour laquelle vous avez déjà développé de bonnes aptitudes ou une certaine compétence. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre défi et compétence. Le compositeur et pianiste de jazz Yaron Herman précise que « la tâche que l’on se donne ne doit être ni trop facile, ni trop difficile. On doit sentir qu’on a les moyens de relever le défi. » (Le déclic créatif, Fayard, 2020).
Ne comptez pas entrer dans le flow alors que vous venez tout juste de débuter l’apprentissage de la harpe par exemple. En revanche, avec un entraînement régulier et de la patience, vous allez acquérir davantage de dextérité, savoir jouer des mélodies et certains automatismes se mettront en place. Vous aurez donc acquis des compétences et vous pourrez vous donner des défis (réussir un nouvel enchaînement d’accord, jouer une mélodie par cœur, improviser, etc.). Ces challenges vous feront progresser et vous pourrez éprouver régulièrement la joie de vous absorber complètement dans le moment présent.
Plus vous maîtrisez une discipline (ses fondamentaux et ses outils de base), plus vous créez la possibilité d’une expérience optimale. Yaron Herman explique que « le flow a plus de chance de se manifester quand le cerveau n’est pas en train de gérer la technique ».
Étape 3 : Agissez dans une concentration intense
Vous avez peut-être déjà skié. C’est typiquement le genre d’expérience où l’état de flow s’invite naturellement. Au moment où vous glissez sur la piste, vous êtes totalement absorbé·e dans les mouvements, la position des skis, l’air frais qui caresse votre visage, les paysages enneigés tout autour de vous. Votre attention est totale. Rien ne peut vous distraire (cela produirait une chute).
Vous faites alors corps avec l’action, dans une concentration pleine et entière.
Vous faites alors corps avec l’action, dans une concentration pleine et entière, sans interruption. Vue de l’extérieur, l’expérience optimale, le flow, semble se produire sans effort. Et pourtant il y a des efforts. Dans certains cas, ce sont des efforts physiques (par exemple, skier, réaliser une chorégraphie, courir un 100 mètres), dans d’autres cas, c’est une action intellectuelle disciplinée (jouer aux échecs, écrire des poèmes, peindre).
Ce qui caractérise ces actions vécues dans le flow, c’est votre concentration sans faille, très intense. Il n’y a plus de place pour les doutes et les questionnements. C’est l’action qui vous emporte, comme par magie.
Étape 4 : Éloignez les distractions
Pour ne pas rompre le charme, il est important de veiller à s’éloigner des sources de distractions ou d’interruptions. Parmi elles, le téléphone, un environnement trop bruyant ou trop mouvant… Pratiquer l’aquarelle au beau milieu du salon où vos enfants ont décidé de jouer au western serait sans doute délicat. Cela risquerait de vous faire quitter l’état de flow.
Pour pratiquer une activité dans un état de concentration et de présence intense, il est recommandé d’éloigner les distractions. Mettre le téléphone en mode silencieux, changer de pièce, prévenir vos proches que vous prenez un temps pour vous…
Une fois que nous nous trouvons plongé·e dans l’état de flow, comme l’explique Csikszentmihalyi « toutes les pensées troublantes ou non pertinentes qui traversent habituellement l’esprit sont temporairement mises de côté ». Il donne l’exemple d’un jeune basketteur passionné par le jeu dont les préoccupations s’effacent aussitôt qu’il entame une partie de basket.
Enfin, en accomplissant ces 4 étapes, vous parviendrez plus souvent, dans votre quotidien, à cet état d’enchantement si particulier qu’est le flow, décrit ainsi par le pianiste Yaron Herman : « Guidé par l’intuition, on se livre à sa pratique, pour le plaisir de pratiquer, pour la sensation, sans se soucier du résultat, ni songer à l’échec. On est pris par un sentiment magique de fusion avec ce que l’on entreprend. »
Une réponse
C’est un état que j’atteins régulièrement quand je fais de la musique ou que je travaille dans mon jardin. Je ne connaissais pas l’expression “flow” mais c’est très agréable de pouvoir nommer ses sensations et de les conscientiser en quelque sorte. Merci pour vos lettres qui m’enchantent et me mettent de bonne humeur à chaque fois.