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Autrefois, la teinture végétale était une coutume : chaque textile obtenait son pigment par coloration naturelle. Renouer avec cette pratique ancrée dans les saisons est une merveilleuse manière de créer, et de déceler la richesse tinctoriale insoupçonnée de la flore qui nous entoure.
Qu’est-ce que la teinture végétale ?
La teinture végétale est un processus slow de coloration d’un textile avec des végétaux présents dans la nature. Saine et écologique, n’utilisant aucun produit chimique, cette activité permet de teindre des pièces en tissu variées : vêtements, sacs en toile, linge de maison, textiles destinés à la couture d’un article, etc. Même si nous l’ignorons souvent, il existe une multitude de plantes tinctoriales. Apprendre à les reconnaître et faire leur collecte constituent un véritable loisir. La magie opère lorsqu’on les intègre à un bain de teinture et que les pigments renfermés dans chaque végétal se révèlent. Des exemples ? La fleur de rhubarbe fraîchement cueillie colore un textile en jaune clair. Les feuilles du sureau, quant à elles, créent des nuances de rose et de vert pâle (découvrez d’autres plantes ci-dessous). La teinture végétale donne à explorer une gamme de pigments infinie. Ce hobby original transforme ainsi notre approche des couleurs, et fascine par ses multiples jeux de nuances.
Ces plantes miracles poussent la plupart du temps à l’état sauvage en pleine nature, mais éclosent parfois dans notre jardin. En France, le Jardin Conservatoire des Plantes Tinctoriales de Lauris en recense plus de 300 variétés dont les colorants sont utilisés pour la teinture, la cosmétique et l’alimentation.
Si la cueillette sauvage est une étape clé appréciable de la teinture végétale, il est tout à fait possible de simplifier davantage la pratique en se tournant vers les colorants naturellement présents dans certains déchets alimentaires. Parmi ces restes truffés de pigments, on retrouve ainsi les pelures d’oignons, les écorces d’avocats, le chou rouge ou le curcuma moulu. Cette solution permet d’offrir à nos déchets un usage créatif, avant de se défaire de leurs résidus en arrivant au compost.
Le goût du textile
La teinture végétale permet de teindre des tissus en fibres naturelles : chez Culture V, nous vous conseillons les matières nobles végétales que sont le coton, le lin, le chanvre, le bambou ou la ramie. Abigail Booth, artiste et autrice britannique du Guide de la teinture végétale, remarque que le choix du textile est en lui-même une expérience singulière : “sélectionner des textiles est une affaire très personnelle […]. Depuis que je travaille avec des teintures végétales, je suis plus attentive aux textiles que j’utilise, et ma connaissance des fibres naturelles me permet de mieux choisir les tissus dont je me sers dans ma pratique créative”. Différencier un tissu naturel d’une étoffe synthétique comme le polyester ou le nylon, est en effet essentiel à la pratique.
Et pour cause, la teinture végétale nous invite à prendre conscience de l’impact écologique de l’industrie textile. Elle ouvre une voie pour repenser un modèle plus “propre” à notre échelle. Car chaque création de nos mains est un écogeste.
Une expérience de cueillette sauvage
La teinture végétale repose en bonne partie sur l’exploration de la nature. Et réclame un peu de patience pour apprendre à distinguer les trésors tinctoriaux qui y sommeillent. Panier à la main, muni·e d’un sécateur, de gants si nécessaire, ainsi que d’un livre de reconnaissance des plantes sur lequel s’appuyer, il vous suffit pour commencer de glaner quelques végétaux le long des chemins boisés, dans les prés, les friches urbaines, ou encore dans votre jardin. Le processus de récolte est un moment magique de connexion à la flore. Notre attention est pleinement portée aux végétaux qui nous entourent. Il sied toutefois de ne prélever que de petites quantités de plantes, présentes abondamment, et sur les terrains autorisés. Vérifiez par exemple que vous ne vous trouvez pas en espace naturel protégé, où la cueillette est strictement interdite.
Lors de vos premières récoltes, gardez en tête que les trois sources de colorants sont les arbres, les baies sauvages et les plantes à fleurs. On peut donc autant collecter de l’écorce de bouleau que des mûres ou des feuilles d’ortie, trois essences colorantes qui se trouvent facilement en France. Nous vous conseillons quelques ouvrages pour apprendre à connaître les plantes tinctoriales en fin d’article.
Pour des teintures réussies et des couleurs éclatantes, rien ne vaut les anciennes plantes de prédilection des teinturiers d’autrefois. La garance pour du rouge, le réséda pour du jaune, et le pastel des teinturiers pour du bleu pastel.
À chaque saison ses coloris
À chaque saison sont associées différentes récoltes et par conséquent des coloris propres. L’automne, par exemple, constitue une saison privilégiée pour cette activité : les couleurs chatoyantes de la nature donnent vie à de belles nuances chaudes en teinture. Cette période offre à récolter des glands, des cônes, des noix entourées de leur enveloppe, des feuilles de saule pleureur ou de hêtre pourpre, ou encore de simples feuilles mortes.
Durant le printemps et l’été, la nature prodigue bien d’autres matières végétales à l’instar de la fougère aigle aux pigments bruns-jaunes, qui pousse à la lisière des bois, ou des mûres aux colorants pourpres.
Notre guide pratique et facile de la teinture végétale étape par étape :
1. Choisir ses végétaux
Pour réaliser votre première teinture végétale, le plus simple est de composer avec les végétaux qui s’offriront à vous lors d’une promenade dans la nature locale. Mieux vaut ne pas déterminer l’exact coloris souhaité au préalable. Nous vous avons présenté quelques conseils concernant la cueillette au cours de l’article.
Vous n’avez pas l’occasion de vous rendre dans un lieu de nature ? Utilisez vos déchets alimentaires ou des produits disponibles dans votre cuisine : thé noir ; marc de café ; épices colorantes ; etc.). Et puis, par chance, vous disposez peut-être chez vous de bouquets de fleurs d’eucalyptus séchées ? Essayez-les en teinture, elles produisent une exquise palette de couleurs variant du brun sombre au rouge brique.
2. Préparer son tissu
Après avoir sélectionné sa pièce de textile en fibres 100 % naturelles, vous allez préparer le tissu à recevoir la teinture. Voici la marche à suivre.
- 1ère étape. Décatir le tissu, autrement dit, le laver une fois (à la main avec du savon écologique ou en machine à laver) pour retirer les résidus de colle et de graisse qui rendent le tissu brillant à sa sortie d’usine.
- 2e étape. Une fois le tissu sec, on va utiliser un mordant (la poudre d’alun ou sel métallique) pour que la couleur se fixe solidement, et qu’elle résiste aux lavages. Protégez-vous avez un masque et des gants avant de verser quelques cuillères à café de cette poudre d’alun dans une casserole d’eau frémissante. Mélangez, puis ajoutez‑y le tissu, et laissez-le dans l’eau frémissante pendant une heure. Rincez et séchez l’étoffe.
- 3e étape. Une fois ces deux grandes étapes terminées, il ne reste plus qu’à procéder au bain de teinture. Dans un faitout d’eau assez profond, faites doucement chauffer votre matière végétale tinctoriale jusqu’à ce que l’eau en devienne colorée. Comptez environ une heure. Retirez la matière végétale puis plongez‑y votre tissu, et laissez-le mijoter à feu doux pendant une autre heure. Ensuite, le tissu va refroidir en trempant dans ce bain toute une nuit afin que la couleur s’imprègne bien.
3. Faire sécher le tissu
Une fois le bain de teinture terminé, faites sécher le tissu sur un étendoir à linge à l’abri du soleil, pour ne pas affecter le rendu final.
4. Son utilisation et son entretien
Vos pièces textiles teintes pourront être utilisées comme tout autre produit du commerce (à condition que les étapes de préparation du tissu aient été soigneusement suivies). Toutefois, assurez-vous de respecter ces quelques conseils :
Lors de leur premier lavage, ne mélangez pas votre teinture à d’autres linges, car celle-ci pourrait dégorger un peu. Pour les lavages suivants, il convient de les séparer des couleurs et de réaliser un cycle de lavage par teinte. Enfin, lavez vos teintures uniquement avec un savon écologique, et préférez les cycles à 30°C ou 40°C en machine, ou les programmes laine ou délicat.
Les 3 livres pour aller plus loin
- Guide des teintures naturelles. Plantes à fleurs de Marie Marquet, éditeur Belin. On le recommande pour ses fiches botaniques sur les plantes tinctoriales.
- Guide de la teinture végétale, de la culture des plantes à la réalisation d’ouvrages d’Abigail Booth, éditions Dessain & Tolra.
- Couleur-Garance pour se procurer de la poudre d’alun à teintures.